Le mariage forcé soulève de nombreuses questions. Ces importantes et nécessaires questions ne peuvent pas rester sans réponse. Les traiter contribuent à une meilleure compréhension et à garantir en Suisse le droit au libre choix du partenaire pour tous.
Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à nous contacter via le formulaire de contact ou par e-mail.
Les questions les plus fréquemment posées au sujet du mariage forcé sont les suivantes :
Pourquoi y a-t-il des mariages forcés ?
La Suisse se caractérise par une importante immigration, où une personne sur trois a des racines étrangères, ce qui fait parfois émerger de nouvelles dynamiques, notamment au sujet des mariages forcés.
Il serait insuffisant et erroné de considérer cela comme de simples « importations » des pays d’origine des groupes dans lesquels des mariages forcés peuvent se produire. Au sein de sociétés multiculturelles comme en Suisse, le phénomène des mariages forcés résulte d’effets « multi-locaux ». Nous distinguons « l’effet de l’origine », « l’effet de la migration » et « l’effet de la diaspora ». Ces derniers peuvent contribuer aux mariages forcés en Suisse dans un ordre chronologique, mais aussi simultanément.
En ce qui concerne l’effet d’origine, par exemple, les normes de virginité ou les rôles genrés sont transférés du contexte du pays d’origine à celui de la Suisse. Durant la phase de migration – par exemple pendant la fuite ou avant que le processus d’arrivée dans un pays d’accueil ne soit achevé – les conditions cadres d’incertitudes socio-économiques et la menace de mariages forcés peuvent également s’aggraver. Selon une étude de l’UNICEF réalisée en 2014, la proportion de mineurs-es mariés en Syrie est de 13%, alors qu’elle touche 32% de la population syrienne vivant dans des camps de réfugiés jordaniens. Dans le cas de la Suisse, le pays de résidence, l’exclusion peut conduire à la démarcation et l’obligation de se marier au sein de son propre groupe d’origine (obligation à l’endogamie) peut favoriser le mariage forcé. Ou encore, en leur faisant épouser un ressortissant du pays d’origine, les parents aimeraient protéger leurs fils et filles de ce qu’ils considèrent comme des influences néfastes de la société majoritaire du pays d’immigration. Ces pressions peuvent entraîner alors un mariage forcé.
Le mariage forcé est complexe et découle de nombreuses causes. C’est la raison pour laquelle les activités du Service contre les mariages forcés comprennent également des travaux de recherche scientifique.
Vous trouverez plus d’informations sur les autres causes de mariages forcés dans la rubrique « Formes et causes ». Pour en savoir plus sur les travaux scientifiques, vous pouvez consulter la rubrique « Comité scientifique ».
Quelle est la différence entre mariage forcé et mariage arrangé ?
La principale différence avec un mariage arrangé est que dans un mariage forcé, le mariage est contracté contre la volonté de la mariée ou du marié. Les mariés sont mis sous pression par divers moyens, de telle sorte qu’ils ne peuvent résister. Dans le cas d’un mariage arrangé, les époux ont en principe la possibilité d’accepter ou de refuser le choix du partenaire conjugal.
Cependant, il n’est pas toujours facile de déterminer si la mariée et le marié ont réellement le choix. Les opinions divergent quant à la délimitation entre mariage forcé et mariage arrangé et il n’est pas toujours facile de savoir où tracer la ligne entre les deux. Dans nos activités de consultation, il est donc important que les personnes concernées expriment la contrainte à laquelle elles sont soumises et qu’elles manifestent leur volonté de prendre des mesures contre celle-ci. En tant qu’infraction poursuivie d’office, le mariage forcé peut également être annulé ultérieurement dans un État de droit.
Mais il existe également des critiques à l’égard de la définition et de la distinction entre mariage forcé et mariage arrangé, voir la partie « trois perspectives ».
Pour de plus amples informations, nous vous renvoyons également aux « Concepts et Définitions », ainsi qu’aux définitions du mariage forcé et du mariage arrangé.
Dans quels groupes observe-t-on des mariages forcés ?
L’Étude fédérale sur les mariages forcés de 2012 présente l’Europe du Sud-Est occidentale (comportant les personnes du Kosovo, de Serbie, de Macédoine, de Bosnie-Herzégovine, d’Albanie, etc., nommées « Balkans » dans l’étude), la Turquie et le Sri Lanka comme pays d’origine des personnes où le mariage forcé est plus fréquent.
Cela reflète la composition de la population migrante en Suisse. Si nous prenons l’exemple des États-Unis, les Mexicain-e-s constituent le troisième groupe le plus touché par le mariage forcé.
Les mariages forcés constituent également un problème social dans les petites communautés religieuses et culturelles comme celle des Roms, des chrétiens orthodoxes (Araméens) du Moyen-Orient ou des Sikhs. On compte également des femmes et des hommes concernés (entre autres) originaires d’Érythrée, de Somalie ou d’Éthiopie, ainsi que des personnes concernées en Irak, Iran, Afghanistan, Pakistan, Syrie ou encore en Tchétchénie. Les activités de consultation du Service contre les mariages forcés ont fait ressortir une augmentation du nombre de victimes issues des « nouvelles vagues de migration », par exemple en provenance d’Érythrée, d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie.
Toutefois, cette répartition par pays d’origine est également délicate car la plupart des personnes concernées par le mariage forcé en Suisse sont nées et/ou ont grandi en Suisse, possèdent un passeport suisse ou une double nationalité. L’identité des personnes concernées comporte de nombreuses facettes.
Vous trouverez plus d’informations sous la rubrique « Formes et causes ».
Quelle est l’étendue du phénomène ?
L’étude mandatée par l’Office fédéral des migrations (actuellement Secrétariat d’État aux migrations) en 2012 fait état de 700 cas de situations de contraintes par an en Suisse, en se basant sur une enquête réalisée auprès des interlocuteurs et des institutions de protection. Ce chiffre regroupe notamment les mariages forcés, les interdictions d’aimer et les unions conjugales forcées (obligation de rester mariés). En 2006, la Fondation « Surgir » a estimé à 17’000 le nombre de cas dans toute la Suisse sur une période de 18 mois. Toutefois ce chiffre est controversé. S’agissant du Service contre les mariages forcés, il a porté assistance jusqu’ici à environ 2’750 personnes (statut d’août 2020).
Jusqu’à présent, nous ne disposons d’aucune étude scientifiquement représentative sur l’étendue effective du nombre de personnes concernées par le mariage forcé en Suisse. Pour des raisons financières, aucune enquête de ce type n’a été réalisée. De telles statistiques existent dans d’autres pays, dont nous avons extrait quelques chiffres importants :
1 355 consultations ont été enregistrées en 2019 par la Forced Marriage Unit au Royaume-Uni (FMU). L’organisation américaine Tahirih Justice Center a recensé 3 000 cas dans une enquête des institutions de contact pour la période 2010/2011.
Dans une étude portant sur la violence contre les femmes en Allemagne, 150 femmes d’origine turque ont également été interrogées sur la question du mariage forcé. Environ la moitié des sujets interrogés ont déclaré que leur conjoint avait été choisi par des membres de leur famille et 25% ont déclaré qu’ils ne connaissaient pas leur conjoint avant le mariage. 17% des femmes dont le partenaire avait été choisi par les parents se sont senties obligées de se marier au moment du mariage. L’étude donne une indication préoccupante de la prévalence du problème dans la population d’origine turque en Allemagne. Cela pourrait également s’appliquer à la Suisse (Voir :
Ministère federal de la Famille (Allemagne) (Bundesministerium für Familie, Senioren, Frauen und Jugend). 2013. Lebenssituation, Sicherheit und Gesundheit von Frauen in Deutschland. Eine repräsentative Untersuchung zu Gewalt an Frauen in Deutschland, S. 131f).
Les femmes sont-elles plus souvent concernées que les hommes ?
Environ un cinquième des personnes concernées ou menacées par le mariage forcé qui se présentent dans les centres de consultation et services spécialisés sont des hommes.
La British Forced Marriage Unit recense 17% de victimes masculines en 2018. Ce chiffre reflète l’expérience que nous avons dans nos activités de consultations au Service contre les mariages forcés, avec un taux qui se situe actuellement à environ 20%.
Toutefois, le nombre réel d’hommes concernés contraints de se marier est probablement beaucoup plus élevé. Les mariages forcés ont toujours lieu entre une femme et un homme. Tout mariage forcé est donc un mariage hétérosexuel et on recherchera une femme et non un partenaire de même sexe pour un homme homosexuel. Dans nos activités de consultation, nous recevons également des cas d’individus homosexuels qui sont forcés à se marier.
Le fait que les hommes soient moins susceptibles de se manifester est lié à la pression exercée par les stéréotypes des rôles masculins. Les hommes demandent alors peu de soutien et essaient de gérer la situation comme ils le peuvent. Nous observons cela également dans d’autres services de consultation et chez des interlocuteurs qui ne traitent pas de mariages forcés et où les hommes issus de l’immigration ne sont pas les seuls concernés. Par exemple, en 2018, seulement 31% des personnes ayant reçu un conseil de la Main Tendue étaient des hommes, qui deviennent ainsi victimes du système patriarcal dominé par les hommes. Ce phénomène montre dans quelle mesure ici les hommes, dominants dans le système patriarcal, sont également « prisonniers » et « victimes » de leur domination, pour reprendre les mots de Bourdieu (1990).
De plus, dans pratiquement toutes les sociétés, qu’elles soient traditionalistes ou modernes, les hommes disposent de ressources plus nombreuses et différentes que les femmes pour faire face à une telle situation. C’est ce qui est notamment abordé dans le film « Against the Wall/Gegen die Wand ». Pour vivre la liberté à laquelle aspire la jeune actrice germano-turque Sibel (Sibel Kikelli), elle doit se marier pour satisfaire les apparences.
D’autre part, il y a aussi des cas où de jeunes hommes forcent leur petite amie à se marier en les faisant chanter et en menaçant d’informer la famille de leurs rapports sexuels prénuptiaux. C’est ce qui s’est passé dans la première décision judiciaire en deuxième instance en suisse sur le mariage forcé concernant deux sœurs dans une situation de contrainte autour d’un mariage. Dans cette affaire, le mari d’une sœur a également été condamné précisément pour cette raison.
Ce chantage est dû au fait que les violations de l’honneur sont socialement construites, en particulier par les femmes. Dans les communautés traditionalistes conservatrices, les femmes sont considérées comme « titulaires de l’honneur » – c’est-à-dire par leur abstinence sexuelle et leur virginité jusqu’au mariage – et les hommes comme « gardiens de l’honneur ».
Dans le roman « Ehre » de l’écrivain et sociologue d’origine turque Elif Shafak, dans lequel elle dépeint une famille kurde vivant en Turquie, la mère dit à ses filles :
« La chasteté est le seul bouclier dont dispose une femme. Rappelez-vous toujours : si vous la perdez, vous ne valez plus un Kuruş assiégé. Je n’aurai aucune pitié pour vous. »
(traduction par le Service contre les mariages forcés)
Le psychologue et auteur Ilhan Kizilhan écrit sur les communautés yézidies et kurdes à propos de l’honneur :
« La preuve de l’honneur de la femme et de la famille est l’intégrité sexuelle de la femme, c’est-à-dire la chasteté avant le mariage et la fidélité dans le mariage. Toute l’unité juridique de la famille, représentée par le père en tant que chef de famille, est responsable en premier lieu de la préservation de l’honneur des femmes. Dans ce contexte, l’auteur et pédagogue Ahmet Toprak parle de « deux poids, deux mesures. »
(traduction par le Service contre les mariages forcés)
Pour en savoir plus sur l’« honneur », consultez la rubrique « Formes et causes » ainsi que le « Glossaire ».
Littérature :
Ilhan Kizilhan. 2002. Konflikte und Konfliktlösungen in patriarchalischen Gemeinschaften am Beispiel der Solidargruppen in Ostanatolien. In: conflict & communication online, Vol. 1, No. 1, 2002, p. 2
Ahmet Toprak. 2005. Das schwache Geschlecht: die türkischen Männer. Zwangsheirat, häusliche Gewalt, Doppelmoral der Ehre. Lambertus Verlag.
Elif Shafak. 2014. Ehre. Verlag Kein und Aber,
Quel lien existe-t-il entre mariages forcés et religion ?
Parmi les nombreuses autres causes à l’œuvre, les religions peuvent également jouer un rôle dans les mariages forcés, car elles contiennent un certain nombre de prescriptions sur le mariage et l’union conjugale. Toutefois, mentionner la religion comme seule explication de la façon dont la contrainte se produit dans le mariage est réducteur. Nous observons des cas au sein de diverses communautés religieuses.
En Suisse, par exemple, des personnes de différentes confessions religieuses sont touchées : Tamouls hindous, Assyriens orthodoxes chrétiens et araméens, Kosovars musulmans ou catholiques, Juifs orthodoxes, Turcs sunnites et Kurdes alévis.
Le mariage forcé est étroitement lié aux conceptions traditionnelles, patriarcales et familialistes. Les personnes, les familles et les sociétés strictement religieuses tiennent souvent les traditions en haute estime. La religion est alors utilisée abusivement comme l’ultime et plus haute instance d’argumentation.
En principe, l’islam est la seule religion mondiale à avoir une source qui interdit explicitement le mariage forcé. D’une perspective théologique, l’islam interdit explicitement les mariages forcés dans un Hadith, recueil des paroles du prophète Mahomet. Mais il y a aussi la règle selon laquelle une femme musulmane ne doit pas épouser un non-musulman. Bien que cela soit également controversé – voir par exemple Yaşar Nuri Öztürk, dans son livre « İslam Nasıl Yozlaştırıldı » (en français : « Comment l’islam a été corrompu »), de telles règlementations peuvent conduire à des mariages forcés.
Dans l’Ancien Testament de la Bible, les mariages forcés sont prescrits dans certains cas. Cependant, ceux-ci ne sont plus mentionnés dans le Nouveau Testament. Certaines communautés chrétiennes traditionalistes-conservatrices ont néanmoins des réticences à l’égard de la sexualité prémaritale, ce qui constitue un facteur pouvant aussi conduire à des mariages forcés comme mesure disciplinaire.
Dans l’hindouisme, il est impossible de se marier en dehors de sa propre caste selon les écritures de la Bhagavad Gita. Par exemple, il y a 216 castes dans la région tamoule de Jaffna au Sri Lanka. Cette approche restrictive se traduit par une contrainte endogène et peut donc conduire à des mariages forcés, car le choix des partenaires conjugaux potentiels est limité.
Cependant, des discussions émergent parmi les communautés religieuses conservatrices : c’est le cas des juifs orthodoxes qui se divisent en un courant « ultra-orthodoxe », un autre nommé « orthodoxie ouverte » et aussi le courant de « l’orthodoxie moderne ». Cet exemple nous permet de rappeler que la religion est toujours changeante et négociable.
Littérature :
Reza Aslan. 2006. Kein Gott außer Gott. Der Glaube der Muslime von Muhammad bis zur Gegenwart. C. H. Beck, München, S. 90f.
Yaşar Nuri Öztürk: Der Verfälschte Islam. Grupello Verlag, S. 119.
Les mariages forcés sont-ils un phénomène récent ?
Chaque mariage dans chaque société est façonné par des normes et des attentes spécifiques de l’environnement. Par exemple, aujourd’hui encore, les femmes universitaires épousent généralement des hommes universitaires, c’est-à-dire appartenant au même milieu éducatif et socio-économique, bien que les contraintes entourant le mariage et le choix du conjoint aient été naturellement plus prononcées dans les sociétés d’Europe occidentale des siècles précédents.
Par exemple, une grossesse au 19e siècle en Suisse rendait le mariage indispensable (« shotgun wedding »). Cependant à l’époque, les contacts sexuels avant le mariage pouvaient être étonnamment libéraux. C’est le cas, notamment de la tradition du « Kiltgang », la rencontre nocturne secrète d’un couple dans le « salon » de la jeune femme, qui n’était pas suivie de sanctions – comme sous la forme d’un mariage forcé.
Dans l’aristocratie européenne, les mariages arrangés, dont certains étaient contractés contre la volonté personnelle des personnes concernées, étaient fréquents. Une illustration plus récente et plus connue est celle du mariage entre l’héritier anglais du trône, le prince Charles, et feu la princesse Diana. Ce qui est nouveau, cependant, c’est que les mariages forcés dans les sociétés d’immigrations font l’objet de discussions en rapport avec les migrants. La Suisse est également une société d’immigration. Selon l’étude fédérale de 2012 sur les mariages forcés en Suisse, 38% des personnes concernées sont nées en Suisse et 76% ont un permis de séjour C. Au Service contre les mariages forcés, environ 80% des personnes concernées sont nées et/ou ont grandi en Suisse.
Le fait que ces personnes issues de l’immigration se marient aussi fréquemment de manière endogame – c’est-à-dire au sein de leur propre groupe d’origine – doit être réexaminé. De cette façon, les expériences de la première génération se répètent (effet « da capo »). Cependant, des reculs peuvent également se produire dans la deuxième ou troisième génération. C’est le cas notamment des expériences de discrimination qui peuvent conduire à un retour à la culture et/ou à la religion d’origine des parents. Nous parlons alors de néo-traditionalisation ou de néo-religionisation. Cette référence peut être positive, mais elle peut aussi prendre des formes plus extrêmes avec notamment un recours plus fréquent aux mariages forcés. Il ne s’agit donc pas ici d’un simple effet de l’origine, mais d’un effet de la diaspora. Voir question n° 1 ci-dessus.
Les droits humains peuvent également régresser dans certains pays d’origine des personnes migrantes, et cela aura un impact sur la Suisse au travers des communautés migrantes issues de ces régions géographiques. En Turquie, par exemple, des discussions sont en cours pour abolir l’âge légal du mariage qui est aujourd’hui de 18 ans et autoriser les mariages religieux. Voir plus de détails sous « Formes et causes ».
La loi peut-elle prévenir les mariages forcés ?
Les mesures juridiques contre les mariages forcés sont des mesures d’accompagnement qui, selon la nature de la loi, peuvent sensibiliser aux violations des droits humains ou avoir un effet dissuasif. Les conventions internationales définissent également le mariage forcé comme une violation des droits de l’Homme, comme dans le cas de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique, dite Convention d’Istanbul. Néanmoins, les règlementations juridiques, qu’elles soient internationales ou nationales, ne peuvent guère à elles seules empêcher les mariages forcés.
Dans la grande majorité des cas, les personnes concernées ne veulent pas dénoncer les auteurs de la coercition, leur père, leur mère, les membres de leur famille et leurs proches. Le fait que le mariage forcé soit puni en tant qu’infraction officielle et qu’il s’agisse d’un crime qui doit faire l’objet de poursuites officielles (en Suisse, conformément à l’art. 181a du Code pénal) peut également avoir pour effet de décourager les personnes concernées de demander de l’aide auprès d’un centre de consultation.
Toutefois, en vertu de l’article 11 de la loi sur l’aide aux victimes (LAVI), les centres de contact et de conseil sont soumis à une stricte obligation de confidentialité. Ces informations sont importantes pour motiver les personnes concernées à sortir de leur situation de contrainte et à défendre leur droit au libre choix du conjoint. Il faut s’adresser aux personnes concernées afin qu’elles sachent vers qui se tourner pour obtenir de l’aide, informer l’ensemble de la population et de manière plus particulière toute personne appartenant au même environnement social que la personne concernée. En effet, les victimes (potentielles) de mariage forcé se tournent souvent en premier lieu vers des personnes de leur environnement social immédiat : amis, enseignants ou employeurs. Pour en savoir plus sur les lois en vigueur contre le mariage forcé en Suisse et dans d’autres pays, consultez la rubrique « Droit et Lois ».
Quel lien existe-t-il entre mariages forcés et intégration ?
Le mariage forcé est souvent abordé dans le cadre de l’intégration. Cependant, ce type d’union se produit également dans les familles « bien intégrées » issues de l’immigration. Par « intégration », nous comprenons généralement « intégration socio-économique », en d’autres termes cela signifie que les migrants sont intégrés dans le marché du travail. Ces familles ont peut-être peu de contacts avec d’autres groupes en dehors du monde du travail et vivent selon des normes familiales traditionalistes fortes et les attitudes de leur(s) culture(s) d’origine. Dans ce type de contexte, la formation supérieure ne suffit pas à exclure la possibilité de mariages forcés. Par exemple, lors de nos consultations, nous avons soutenu une personne concernée originaire d’Asie du Sud titulaire d’un doctorat.
L’intégration socio-économique ou éducative en dit peu sur l’intégration sociale. Le mariage forcé peut donc être considéré comme le signe d’une intégration partielle et incomplète. L’acceptation de la dignité et des droits humains dans de tels cas est subordonnée au maintien des normes et traditions entourant le mariage. Selon l’article 181a du Code pénal, le mariage forcé est interdit en Suisse depuis le 1er juillet 2013, ainsi la question de l’acceptation de ce type d’unions ne se pose plus (voir « Droit et Lois »). Cependant, il existe des cas où les discussions et les négociations sont controversées et intensives. La société majoritaire suisse considère souvent les minorités migrantes comme généralement arriérées parce que les mariages forcés se produisent chez certaines d’entre elles. D’un autre côté, certains groupes traditionalistes conservateurs considèrent la société majoritaire suisse comme décadente en raison du traitement libéral de la sexualité avant le mariage, ce qui peut amener les personnes concernées par un mariage forcé à rejeter leur culture d’origine sur la base de leur expérience. Les mariages forcés interviennent alors dans ce contexte clivant. C’est pourquoi l’orientation vers la dignité humaine et le droit au libre choix du conjoint est au centre des préoccupations de tout un chacun en Suisse, même si cela est plus exigeant que le simple rejet et la xénophobie. Cela constitue un fondement pour engager des discussions communes et parvenir à des développements ultérieurs, et constitue ainsi donc le ciment social qui unit une société multiculturelle.
L’orientation vers la dignité et les droits humains est, pour ainsi dire, le « couronnement de l’intégration ». D’autres causes et facteurs sont mentionnés ici.
Que faire en cas de mariage forcé ?
Le droit de choisir librement son partenaire est un droit humain (art. 16 par. 2 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948) qui est considéré comme une condition fondamentale pour l’accomplissement d’une vie autodéterminée. Ce droit s’applique à toute personne en Suisse, sans aucune distinction. Le débat sur les pratiques qui violent les droits humains, comme le mariage forcé, est donc central.
Outre les mesures juridiques, il est particulièrement important de s’adresser aux personnes concernées et de sensibiliser la population d’une manière générale. Tout le monde n’est pas conscient du fait que des mariages forcés ont également lieu en Suisse. Les professionnels doivent être informés de la marche à suivre dans le cas où ils devaient être confrontés à un mariage forcé durant leur travail quotidien.
Parallèlement à la discussion sur le mariage forcé, d’autres sujets pouvant potentiellement déclencher une incompréhension mutuelle dans notre société multiculturelle pourraient également être abordés. Par exemple, des sujets comme la sexualité, la virginité, l’homosexualité, les idées d’honneur, etc. Vous pouvez lire ici notre travail et la façon dont nous abordons le phénomène du mariage forcé dans les cours de formation continue, les ateliers scolaires ou les campagnes publiques. Ce qui est fait contre les mariages forcés en Suisse et à l’étranger se trouve dans « ce que font les autres ».