La base juridique est constituée de mesures d’accompagnement contre les mariages forcés et les unions conjugales forcées. Toutefois, tous les problèmes ne peuvent pas être résolus par des moyens juridiques. En effet, afin de lutter contre les mariages forcés et les unions conjugales forcées, il est nécessaire de sensibiliser, de prévenir, d’intervenir, de prendre des mesures de protection et d’ancrer durablement le droit fondamental du libre choix de sa/son conjoint-e pour tous. Des lois peuvent accompagner ces mesures mais non l’inverse. Les bases juridiques ont cependant bien souvent un effet de signal qui n’est pas sans importance, elles permettent entre autres d’attirer l’attention du public sur les mariages forcés, par exemple par le biais de reportages dans les médias.

Depuis le 1er juillet 2013, la Suisse a édicté un ensemble de lois et de mesures contre le mariage forcé. Celui-ci est par exemple considéré comme une infraction pénale distincte à l’art. 181a du Code pénal suisse (CP). La Suisse suit ainsi une tendance internationale qui consiste à définir le mariage forcé comme un crime et à le sanctionner en conséquence. Cependant, l’efficacité de l’interdiction du mariage forcé reste encore à être démontrée, la première condamnation pénale en Suisse n’ayant eu lieu qu’en 2016 et la deuxième en 2019.

Il en va de même pour d’autres pays comme l’Autriche et la Grande-Bretagne, où une seule condamnation a été prononcée. La réglementation contre le mariage forcé est encore relativement récente, et il est par conséquent encore trop tôt pour en tirer un bilan.

Mais pourquoi y a-t-il si peu de condamnations ?

En principe, les personnes concernées ne veulent pas porter plainte contre les auteur-e-s d’actes commis le plus souvent dans leur environnement familial immédiat. C’est pourquoi, l’établissement du mariage forcé en tant qu’infraction pénale punie par l’État peut également décourager les victimes de demander de l’aide aux autorités judiciaires ou à des centres de consultation spécialisés.

Toutefois, les centres de consultation sont, conformément à l’article 11 de la loi sur l’assistance aux victimes (LAVI), soumis à l’obligation de garder le secret. D’autres mesures juridiques existent et facilitent la mise en place de solutions lors de situations de mariages forcés. Par exemple, l’annulation d’un mariage forcé n’est soumise à aucun délai de prescription (art. 105 al. 1 ch. 5 et 6 et 106 CC). Une personne en procédure de regroupement familial concernée par un mariage forcé peut se voir accorder une autorisation de séjour de manière anticipée et indépendamment de son statut civil (art. 50 LEI).

Ci-dessous, un aperçu des instruments nationaux, régionaux et internationaux relatifs aux mariages forcés :

Conventions régionales et internationales

La condition de la libre volonté pour conclure un mariage n’est pas une exigence légale récente. L’art. 16 par. 2 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 prévoit qu’un mariage ne peut être contracté qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux. Ce droit fondamental est repris dans d’autres textes régionaux :

  • 12 de la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950, RS 0.101
  • 17 al. 3 de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme de 1969
  • 6 du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo) de 2003
  • 33 al. 1 de la Charte arabe des droits de l’Homme de 2004
  • Art 32 et 37 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique de 2011 (Convention d’Istanbul)
  • 19 de la Déclaration des droits humains de l’ASEAN de 2012

En outre, le droit de se marier librement est repris dans de nombreuses conventions internationales :

  • 1 let. c (i) de la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage de 1956, RS 0.311.371
  • 1 et 2 de la Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages de 1962
  • 5 lit. de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, RS 0.104
  • 23 al. 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (Pacte II de l’ONU), RS 0.103.2
  • 10 al. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (Pacte I de l’ONU), RS 0.103.1
  • 11 al. 1 ch. 3 et 4 de la Convention sur la célébration et la reconnaissance de la validité des mariages de 1978
  • 16 al. 1 lit. b de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979, RS 0.108

Art. 23 al. 1 lit. a de la Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006, RS 0.109

Dans ces instruments juridiques, l’âge du mariage est généralement fixé à 18 ans. En 1990, la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant fut la première charte régionale à inscrire l’âge minimum du mariage à 18 ans.

L’art. 21 al. 2 prévoit que : « Les mariages d’enfants et la promesse de jeunes filles et garçons en mariage sont interdits et des mesures effectives, y compris des lois, sont prises pour spécifier que l’âge minimal requis pour le mariage est de 18 ans […] ». L’art. 94 al. 1 du Code civil suisse (CC) spécifie que : « Pour pouvoir contracter mariage, l’homme et la femme doivent être âgés de 18 ans révolus et capables de discernement. »

La Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 (RS 0.107) protège les enfants (tout être humain de moins de 18 ans au sens de son art. 1er) contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle (art. 34), contre toute forme de violence physique ou mentale (art. 19) et contre les immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée (art. 16).

Des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme, ressortent trois obligations qu’un État doit respecter pour protéger les individus contre les violations des droits humains :

–    l’obligation de respecter (« Duty to respect »),

–    l’obligation de protéger (« Duty to protect »),

–    l’obligation de garantir et de donner effet (« Duty to provide »).

Cette dernière obligation implique que toutes les mesures appropriées doivent être prises afin d’assurer la mise en œuvre et le respect des droits de l’Homme. A cela s’ajoute un travail d’information et de formation sur le sujet. Le concept de « Due Diligence » (le devoir de diligence) appliqué au domaine des droits de l’Homme tente de rendre les États plus responsables.

Situation juridique en Suisse

Développements juridiques

Le débat juridique et politique suisse sur le mariage forcé est plus récent qu’en Norvège ou en Grande-Bretagne. Le débat parlementaire a été lancé en décembre 2004 par une question du conseiller national Boris Banga (PS/SO) (04.1181 – 17.12.2004) qui se basait sur les développements juridiques en Allemagne. Le Conseil fédéral avait toutefois estimé qu’il n’était pas nécessaire d’agir, car le cadre légal existant était suffisant : selon l’ancien art. 107 al. 4 CC, un mariage qui avait eu lieu sous une menace sérieuse pouvait être déclaré nul. Lorsque ces conditions étaient réunies, les faits pouvaient, sous certaines conditions, être qualifiés de contrainte au sens de l’art. 181 CP et pouvaient être punis d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. En outre, le Conseil fédéral a justifié son rejet de la proposition du conseiller national Banga par la méconnaissance de l’ampleur des mariages forcés en Suisse et par le fait qu’une telle norme pénale serait trop peu utile, ce qui ne ferait que contribuer à la sensibilisation mais n’entraînerait pas nécessairement davantage de condamnations (CF – 15.02.2005).

Un signal différent a toutefois été donné par le Conseil des États à la mi-mars 2005. Dans le cadre du débat sur la nouvelle loi sur les étrangers (LEI), la chambre des cantons a approuvé à la demande d’Erika Forster-Vannini (PLR/SG) l’introduction d’une disposition pénale autonome reconnaissant le mariage forcé comme une infraction spécifique. Cependant, lors de la session d’automne 2005, le Conseil national a conclu que le problème, trop complexe, ne permettait pas d’adopter la proposition du Conseil des États. Au lieu de cela, la Commission des Institutions Politiques (CIP) du Conseil national et du Conseil des États, chargée notamment de la réglementation dans le domaine du droit des personnes étrangères, a présenté un postulat « Répression des mariages forcés et des mariages arrangés » (05.3477). Le Conseil fédéral a été invité à « examiner les possibilités de sanction pénale et civile qui existent pour les mariages forcés et les mariages arrangés de personnes domiciliées en Suisse ».

Les modifications législatives concernant les mariages forcés remontent en Suisse à la demande déposée par la conseillère d’États Trix Heberlein (PLR/ZH) en 2006 « Mesures contre les mariages forcés ou arrangés » (06.3658). La motion a été adoptée sous sa forme modifiée par le Parlement : « Le Conseil fédéral est chargé d’engager immédiatement les travaux législatifs nécessaires (modification du droit pénal, du droit civil, de la législation sur les étrangers, etc.) et de prendre les mesures requises pour empêcher les mariages forcés, pour assister efficacement les victimes (en les aidant à s’en sortir, en leur offrant une nouvelle identité, etc.) et pour protéger leurs droits fondamentaux. ».

Modifications législatives concernant le mariage forcé

Le 1er juillet 2013, des modifications législatives concernant le mariage forcé ont été introduites dans quatre domaines juridiques différents :

–   dans le droit pénal (introduction d’une norme pénale autonome concernant les mariages forcés)

–   dans le droit civil (la contrainte et la minorité comme causes absolues d’annulation du mariage, devoir de contrôle des autorités de l’état civil)

–   dans le droit international privé (conclusion d’un mariage en Suisse selon le droit suisse) et

–   dans le droit des personnes étrangères (Suspension de la procédure de regroupement familial en cas de mariage forcé, obligation d’annonce).

Le mariage forcé d’un point de vue constitutionnel

Un mariage forcé porte atteinte à différents droits fondamentaux garantis par la Constitution suisse de 1999 (Cst., RS 101) : le droit au mariage (art. 14 Cst), le droit à la liberté personnelle, à l’intégrité physique et psychique (art. 10 al. 2 Cst.) et le droit au respect de la vie privée (art. 13 Cst.).

« Le droit au mariage et à la famille est garanti. » (art. 14 Cst.)

« Tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement. » (art. 10 al. 2 Cst.)

« Toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent. » (art. 13 Cst.)

Le mariage forcé sous l’angle du droit civil

Le droit matrimonial, qui fait souvent partie du droit civil, règle les conditions pour conclure un mariage (âge minimum, libre volonté, interdiction de la bigamie, etc.). En Suisse, les conditions matérielles du mariage sont régies par les articles 94 à 96 du Code civil. Les futurs époux doivent avoir la capacité de se marier (art. 94 CC). Les personnes majeures (art. 14 CC) et capables de discernement ont la capacité de se marier. Est capable de discernement, celui qui n’est pas privé de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables (art. 16 CC). Concrètement, cela signifie que les fiancés sont en mesure de saisir l’essence du mariage ainsi que les droits et devoirs qui en découlent pour les conjoints et de régler leur comportement en conséquence (ATF 109 II 273, consid. 4a et les références, JdT 1985 I 290). En outre, aucun empêchement légal au mariage ne doit exister : pas de lien de parenté (art. 95 CC) et tout mariage antérieur doit avoir été annulé ou dissous (art. 96 CC). Selon la conception juridique suisse, le mariage est l’union sexuelle d’un homme et d’une femme, en d’autres termes, de deux êtres de sexe biologiquement différent (ATF 119 II 264, consid. 4b, JdT 1996 I 336). En Suisse, l’obligation et le primat du mariage civil au sens de l’art. 97 al. 3 CC s’applique du fait de la laïcité établie depuis 1874 (la stricte séparation de l’Église/la religion de l’État). En raison de cette laïcité, le droit suisse ne reconnaît pas les mariages coutumiers ou les mariages religieux sans la conclusion d’un mariage civil au préalable. L’Office fédéral de l’état civil (OFEC) a publié une brochure à ce sujet qui rappelle à nouveau expressément l’interdiction du mariage religieux avant le mariage civil ainsi que la portée juridique d’une telle union (cf. Mémento « Mariage religieux célébré par des responsables de communautés religieuses en Suisse » du 1er février 2012). Toute violation de cette norme fera l’objet de poursuites (art. 271, 287 et 292 CP). Le mariage en tant que contrat de droit civil présuppose la libre volonté des futurs époux. Le « oui » devant l’état civil a un effet (juridique) constitutif. En matière de droit civil, des modifications ont été apportées au droit de l’état civil d’une part et au droit matrimonial d’autre part. Outre la bigamie, l’incapacité de discernement, l’existence d’un lien de parenté ou d’un mariage fictif, le mariage forcé et le mariage de mineurs sont considérés depuis le 1er juillet 2013 comme des causes absolues d’annulation du mariage (art. 105 ch. 5 et 6 CC). En effet, l’expression de la libre volonté des fiancés, une des conditions essentielles au mariage, fait défaut. Quiconque possède un intérêt (idéal, économique, virtuel ou actuel) peut intenter une action en nullité du mariage devant l’autorité compétente (art. 106 al. 1 CC). Jusqu’à ce que la juridiction compétente reconnaisse la nullité du mariage, l’union est valide et le jugement aura un effet ex nunc (avec effet immédiat). Les dispositions du droit du divorce s’appliquent par analogie à la décision de nullité. Une nouvelle catégorie d’état civil a été créée : lorsque le mariage est déclaré nul, l’état civil des époux est « non marié » et pas « célibataire ». De nombreuses personnes concernées préfèrent une annulation de mariage à un divorce, car l’état civil de « divorcé » peut avoir des conséquences négatives dans leurs communautés respectives. Le droit de l’état civil concerne les règles sur les autorités civiles. Dans la procédure préparatoire au mariage, une nouvelle condition exige que l’office de l’état civil examine que les conditions du mariage sont remplies, notamment s’il n’existe aucun élément permettant de conclure que la demande n’est manifestement pas l’expression de la libre volonté des fiancés (art. 99 al. 1 ch. 3 CC). Par ailleurs, le Code civil et l’Ordonnance sur l’état civil prévoient tous deux l’obligation de signaler l’existence d’une infraction pénale (cf. art. 43a al. 3bis CC et art. 71 al. 5 OEC). En pratique, cependant, il est difficile de déterminer si un mariage forcé a lieu. Comme l’a dit un officier d’état civil : « Lorsque les couples entrent dans notre processus de préparation au mariage, le couple de mariés est prêt et ils ont déjà accepté leur situation comme inévitable. Il faudrait beaucoup pour que quelqu’un réussisse à faire comprendre aux mariés qu’on est en train de les contraindre à le faire. » Déclaration de Roland Peterhans, président de l’Association suisse de l’état civil et chef du service de l’état civil de la ville de Zurich, 15 août 2013, Aargauer Zeitung

Droit pénal

Contraindre quelqu’un à se marier a toujours été illégal. Le nouvel article 181a du Code pénal suisse (CP) représente un signal fort car il reconnaît le mariage forcé comme une infraction spécifique « mariage forcé, partenariat forcé » qui est passible d’une peine privative de liberté pouvant aller jusqu’à cinq ans ou d’une peine pécuniaire. Le délit de mariage forcé est ainsi qualifié de crime (art. 10 al. 2 CP) et le délai de l’action pénale ne se prescrit plus après dix ans comme pour un délit (par exemple la contrainte, art. 181 CP), mais après quinze ans (art. 97 al. 1 lit. b CP).

En instaurant cette norme pénale autonome, la Suisse s’acquitte de l’exigence donnée à l’art. 37 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Cette Convention a été ratifiée le 16 juin 2017 et le délai référendaire s’est terminé le 5 octobre 2017.

Droit international privé

Depuis le 1er juillet 2013, la célébration du mariage en Suisse est régie par le droit suisse (art. 44 LDIP). La possibilité jusqu’alors de pouvoir contracter un mariage en Suisse conformément au droit du domicile a été supprimée. Pour consentir à un mariage, il faut en Suisse être âgé de 18 ans révolus (art. 94 CC). En principe, les mariages de mineurs légalement valables ne sont plus acceptés en Suisse (art. 45a LDIP en liaison avec l’art. 105 ch. 6 CC). Une union conclue à l’étranger sera reconnue en Suisse sous réserve de comptabilité avec l’ordre public suisse (art. 45 en liaison avec l’art. 27 LDIP). En conséquence, en pratique, les mariages de jeunes de 16 à 17 ans peuvent être reconnus comme valables après qu’une pesée des intérêts ait été effectuée. Cette pratique doit cependant être considérée d’un œil critique (voir aussi : Observateur, 13 mai 2013).

Droit des étrangers

Lorsqu’il existe une cause absolue d’annulation en raison d’un mariage forcé (art. 105 ch. 5 CC) ou d’un mariage de mineur (art. 105 ch. 6 CC), les autorités compétentes doivent en avertir l’autorité visée à l’art. 106 CC (art. 45a et 85 al. 8 LEI, ainsi que la disposition similaire en droit d’asile à l’art. 71 1bis Lasi) et une éventuelle demande de regroupement familial sera suspendue.

Une nouveauté réside dans l’extension des raisons importantes pour reconnaître un droit de séjour indépendant à la suite d’un mariage forcé ainsi qu’à la réintégration dans le pays d’origine, qui ne sont plus considérées comme des conditions cumulatives mais qui ont été révisées en formulation alternative (art. 50 al. 2 LEI). Cela signifie que dans le cas où une union est dissoute, la loi sur les étrangers prévoit pour le conjoint et les enfants d’un ressortissant suisse ou d’une personne possédant une autorisation d’établissement, l’octroi ou la prolongation d’une autorisation de séjour à la condition que l’union ait durée plus de cinq ans et que l’intégration soit réussie (art. 50 al. 1 let. a LEI). L’octroi ou la prolongation de l’autorisation de séjour est également possible si des raisons personnelles majeures existent (art. 50 al. 1 let. b LEI). Tel est le cas lorsque le ou la conjoint-e est victime de violence conjugale, que la personne est concernée par un mariage forcé ou qu’une réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (art. 50 al. 2 LEI). Dans le cas d’une dissolution de l’union d’une personne ayant une autorisation de séjour, l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA) prévoit aux mêmes conditions la prolongation de l’autorisation de séjour octroyée (art. 77 al. 2 OASA).

En résumé

Il faut retenir que l’infraction spécifique du mariage forcé renforce la conscience de l’acte illicite. Elle permet également dans la pratique de prévenir certains cas, c’est-à-dire qu’elle peut exercer dans une certaine mesure un effet préventif. Avec le changement légal du 1er juillet 2013, des progrès ont été réalisés dans le domaine des sanctions d’auteurs de telles infractions. Toutefois, selon nous, il reste encore des lacunes dans la protection des victimes. Par exemple, une jeune femme sans passeport suisse qui durant des vacances dans son pays d’origine est empêchée de rentrer en Suisse, perdra son droit de séjour après six mois hors de Suisse et ne pourra en général pas y revenir. Nous considérons également que dans le cas de mariages conclus à l’étranger, la pesée des intérêts effectuée entre l’âge de protection de 16 ans et l’âge de la capacité matrimoniale de 18 ans n’est pas pertinente dans la lutte contre les mariages forcés et les mariages des mineurs.

Le fait que le mariage forcé ait été érigé en infraction pénale autonome en Suisse avec obligation de dénonciation peut être considéré comme une tentative de l’État de droit de prendre le problème en compte. Toutefois, des interdictions et des restrictions juridiques supplémentaires ne suffisent guère à elles seules à résoudre un problème aussi complexe. Les procédures pénales relatives aux mariages forcés sont de l’ordre du millième par rapport à la Suisse et à d’autres pays.

Très peu de personnes concernées souhaitent que les auteur-e-s soient poursuivis en justice, car ce sont généralement leurs parents ou des personnes de leur environnement familial immédiat. C’est pourquoi il existe souvent de la part des personnes concernées une certaine méfiance à l’égard des institutions officielles. Par conséquent, l’obligation pour les autorités d’annoncer un cas de mariage forcé qui est un acte poursuivi d’office, est un réel problème. Les centres de contact, de conseil et les centres spécialisés de la société civile sont tenus à une stricte confidentialité, qui est nécessaire également pour générer une relation de confiance avec les personnes concernées. Cependant, des mesures officielles sont indispensables dans le cas de mariages forcés, et il est important que ces mesures soient coordonnées. Les autorités judiciaires sont ici en partie sensibilisées.

Toutefois, il importe de poursuivre le travail de sensibilisation et de prendre des mesures de protection sous la forme, par exemple, de points de contact opérationnels fournissant des informations différenciées, ainsi que des dispositifs de protection pour les mariages forcés ou les personnes menacées par un mariage forcé.

Bases légales

Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP), RS 291
https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1988/1776_1776_1776/fr#art_44

Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l’intégration (LEI), RS 142.20
https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2007/758/fr

Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP), RS 311.
https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/54/757_781_799/fr#book_1/part_1/tit_2/lvl_3/lvl_d6550e48

Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC), RS 210
https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/24/233_245_233/fr

Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 (DUDH)
https://www.ohchr.org/en/human-rights/universal-declaration/translations/french

Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH), RS 0.191
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19500267/index.html

Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (Pacte ONU II), RS 0.103.2
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19660262/index.html

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979 (CEDAW), RS 0.108
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19983322/index.html

Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (CRC), RS 0.107
https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19983207/index.html