Souvent, les mariages forcés ont lieu à l’étranger, pendant les vacances. Certaines personnes concernées partent dans leur pays d’origine ou dans un autre pays pour rendre visite à des membres de la famille sans se douter de rien. D’autres encore sont emmenées à l’étranger sous de faux prétextes ou sous la menace. C’est la raison pour laquelle nous nommons ce phénomène « Enlèvement en vue d’un mariage à l’étranger ». Lorsque des personnes concernées sont contraintes de rester dans leur pays d’origine, nous parlons d’ « abandonment » en anglais (abandon) et d’ « achterlating » aux Pays-Bas (laissées sur place).
Le terme d’ « Outplacement » utilisé par le Service contre les mariages forcés se réfère à ses deux phénomènes : à l’enlèvement en soi et au fait que les personnes concernées se retrouvent parfois abandonnées sur place et doivent rester sous l’autorité et le strict contrôle de membres de leur famille à l’étranger. Les personnes concernées sont la plupart du temps nées en Suisse ou y ont grandi.
Si elles sont retenues dans le pays d’origine de leur famille ou dans un autre pays étranger, leur situation est particulièrement précaire : elles ne peuvent en général pas faire appel à leurs contacts, ni à leur réseau et sont isolées socialement. La plupart du temps, on leur retire leur passeport et autres pièces d’identité afin de les empêcher de fuir. Ces personnes ne savent généralement pas où chercher de l’aide. Il leur manque des informations quant aux institutions spécialisées et de protection sur place et aux possibilités de se faire aider, comme par exemple via les représentations suisses à l’étranger (ambassades, consulats). Si en plus, en raison du séjour prolongé (involontaire) en dehors de Suisse, le permis de séjour ou de retour expire, les personnes concernées se retrouvent pratiquement sans solution pour s’en sortir. Si elles veulent retourner en Suisse, elles sont tributaires d’aides extérieures.
Les relations forcées et les enlèvements en vue de mariages sont donc un phénomène lié à de fortes interdépendances transnationales.
Les formes d’enlèvements à l’étranger en vue d’un mariage, ou « Outplacement »
Le Service contre les mariages forcés différencie six variantes d’ « Outplacement » (« en allemand 5A + D ») :
- Ahnungslos (sans soupçon) :
Les personnes concernées ne se doutent pas que leurs proches ont prévu de les marier lors de leurs vacances à l’étranger. Concrètement, la personne concernée n’apprend que durant les vacances que sa famille était au courant pour son petit ami en Suisse qu’elle gardait secret et qu’elle devait être mariée de force pour protéger leur « honneur ». - Angelockt (attiré-e) :
D’autres personnes concernées sont délibérément « attirées » et poussées à voyager ; par exemple, la grand-mère est malade et veut revoir la jeune femme, ou encore une sœur qui va se marier. Il s’agit souvent d’une tromperie explicite. - Angebandelt (Ferienflirt) (séduit-e, flirt de vacances) :
Une autre situation dans le pays d’origine ou pendant les vacances peut également se présenter : parfois, un petit flirt de vacances peut avoir lieu lors de vacances ensoleillées. D’une relation qui peut ne pas être prise au sérieux par la personne concernée, la famille saisira alors l’occasion pour justifier un mariage. Le plaisir des vacances devient ainsi un piège menant à un mariage forcé. En effet, les contacts sexuels prémaritaux – du moins supposés – sont en contradiction avec l’injonction à la virginité et à la monogamie – c’est-à-dire le fait qu’il n’y ait qu’un seul homme dans la vie d’une femme. - Annahme (dans le doute) :
Les personnes concernées se doutent de ce qui pourrait se passer pendant les vacances même si elles n’en ont aucune preuve concrète. - Angedroht (menacé-e) :
Les personnes concernées ont des indications concrètes qu’un mariage forcé à l’étranger est imminent. Par exemple, dans l’affaire qui a conduit à la première condamnation judiciaire pour mariage forcé en Suisse, la jeune fille a été invitée une semaine avant son départ à acheter des cadeaux pour la future belle-famille en Suisse.
Tout « Outplacement » ne se conclut pas par un mariage forcé. L’enlèvement à l’étranger peut aussi avoir lieu pour des raisons disciplinaires (D). Ceci peut par exemple être le cas si la famille conservatrice et traditionnelle n’est pas satisfaite du mode de vie de la personne concernée parce que celui-ci menace « l’honneur » familial. Il pourrait s’agir, par exemple, d’un cas de non-respect de la part d’une jeune femme de la morale sexuelle stricte qui lui est imposée. Cette situation se manifeste notamment lorsqu’une jeune fille s’habille de manière trop provocante aux yeux de sa famille et sa virginité semble être « en danger » et compromise, ou quand une relation amoureuse secrète est découverte. L’envoi à l’étranger doit alors servir à ramener la personne concernée « sur le droit chemin ».
Si l’on soupçonne un « Outplacement » ou si l’on est menacé-e d’être marié-e de force à l’étranger, il est important de se demander avec soin si l’on veut ou non aller à l’étranger. Dans de tels cas, il est judicieux de prendre contact avec le Service contre les mariages forcés et de discuter de la procédure à suivre. Notre Service est soumis à une stricte confidentialité conformément à l’art. 11 de la loi sur l’assistance aux victimes (LAVI). Les informations sont traitées de manière confidentielle.
Avant le voyage, un formulaire tenant lieu de déclaration sous serment peut être établi en coopération avec le Service et les autorités afin de faire le nécessaire pour remédier à la situation.
Vous pouvez le télécharger en cliquant sur ce lien : PDF.
La déclaration sous serment, dûment remplie et signée, peut être utile dans le cadre d’un Outplacement. Elle est associée à d’autres mesures de protection avant, pendant et après un Outplacement à l’étranger.
Avant : des mesures peuvent être prises pour que les personnes concernées ne puissent pas quitter la Suisse, par exemple en coopération avec la police des frontières.
Pendant : des contacts à l’étranger peuvent être utilisés pour retrouver les personnes qui y ont été détenues.
Après : la déclaration sous serment peut être utilisée comme preuve dans toutes les procédures d’annulation de mariages forcés à l’étranger.
Il existe de nombreuses façons de faire face à une situation de contrainte liée à un Outplacement ou à un enlèvement.
Remplir la déclaration sous serment est une étape importante. D’autres mesures de précaution sont nécessaires pour garantir votre sécurité. Le Service travaillera avec vous pour élaborer un plan de gestion des menaces, un plan de sécurité et des mesures de protection. De plus, le Service contre les mariages forcés fera appel à un notaire pour les certifications ou les authentifications.